Portrait de Science | 3 Questions à Tarek Oueslati
Tarek Oueslati est chargé de recherche au sein de l’unité Histoire, Archéologie et Littérature des Mondes Anciens (HALMA1 ).
- 1HALMA - CNRS/ULille/Ministère de la Culture/INRAP
Quel est votre parcours ?
Passionné par la mer et la paléontologie, j'ai d'abord entrepris un parcours universitaire en sciences naturelles à la faculté de Tunis. C'est là que j'ai découvert la zoologie, la botanique et la géologie avec un intérêt particulier par les formes de vie anciennes. Après la maîtrise, j’ai été initié à l'archéologie environnementale, une discipline à la croisée des sciences humaines et naturelles. Fasciné par cette approche et bien que novice en archéologie, j'ai décidé de poursuivre un DEA et un doctorat en archéozoologie au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. Ma thèse portait sur la caractérisation des pratiques alimentaires à Lutèce durant la période romaine, une étude réalisée à partir de plus de 65 000 restes de repas découverts par des confrères archéologues de la commission du Vieux Paris, notamment Sylvie Robin et Philippe Marquis. Après l'obtention de mon doctorat en 2002, j'ai eu la chance d'accompagner l'illustre archéozoologue François Poplin en Grèce, une mission qui s'est avérée déterminante : c'est sur l'île de Thasos que j'ai rencontré les équipes d'archéologie grecque de l’unité de recherche lilloise Histoire Archéologie et Littérature des Mondes Anciens (HALMA), Francine Blondé, Arthur Muller et Dominique Mulliez. Convaincu de pouvoir produire une recherche de qualité à leur contact, j'ai rejoint le Nord l’année suivante, en plus d’obtenir le concours de chargé de recherche au CNRS.
Quel est votre principal sujet de recherche ?
Je regarde des os et les fais parler ! En tant qu'archéozoologue, j'ai comme objectif d’étudier les restes fauniques retrouvés lors de fouilles archéologiques pour mieux comprendre les différentes formes d’interactions entre les hommes et les animaux dans le passé. Après avoir trié le matériel archéologique que l’on me confie (ossements, dents, coquilles etc.), j’identifie chaque pièce par comparaison avec des spécimens de référence - la collection de notre unité est dotée de plus de 1200 squelettes -. Ces restes d'animaux permettent dès lors de caractériser l'impact de l’activité humaine sur l’animal : celui-ci était-il chassé, élevé, domestiqué… ? Par exemple, si l'on retrouve un squelette entier, cela indique possiblement un dépôt rituel dans un cadre cérémoniel. En revanche, lorsque l'homme exploite un animal pour sa viande, il est facile de constater des opérations de boucherie qui ont transformé la carcasse ou fragmenté les os pour faciliter la consommation. Cependant, comme dans toute discipline historique, nos conclusions reposent sur l'interprétation d'indices multiples. Nous cherchons à croiser les sources et les approches pour renforcer nos hypothèses. Néanmoins, mes analyses tentent de retracer l’évolution des cultures, des civilisations et des pratiques alimentaires à travers les siècles. Ce qui me passionne particulièrement dans mon domaine d'étude, c’est l’alliance entre anatomie comparée et connaissances pratiques sur l’exploitation de l’animal. De plus, j’ai l'opportunité de collaborer régulièrement avec des éleveurs, des ethnologues, des généticiens et d'autres collègues spécialisés pour constamment enrichir mes recherches. Enfin, les terrains de recherche en Grèce, en Italie, en Espagne, au Maroc, en Tunisie et au Liban sont stimulants et favorisent le développement de nouvelles collaborations ainsi que la formation de compétences locales.

ans d’alimentation avant notre ère » à Arkeos »
Comment vous engagez-vous dans le partage des sciences avec et pour la société ?
Partager les résultats de mes recherches avec la communauté internationale me tient particulièrement à coeur. Au-delà de générer des échanges instructifs, collaborer avec des scientifiques du monde entier crée une véritable synergie unique à la recherche, et permet d’exploiter les collections archéologiques régionales de manière plus approfondie dans le cadre de doctorats ou de projets de recherche. Par exemple, dans le cadre du projet européen Innovative Training Networks Horizon 2020 SeaChanges, et grâce à ma collaboration avec David Orton, deux des quinze thèses financées ont porté sur l’étude de matériel archéologique que j’ai proposé. Cette collaboration conduit à l’approfondissement de nos connaissances sur l’Histoire régionale, notamment des prémices de la pêche en mer à la fin de l’époque carolingienne. La diffusion de ces résultats dans des publications scientifiques prestigieuses et leur communication dans des congrès internationaux valorisent l’ensembles des acteurs de cette recherche collective.
Il est également essentiel de faire connaître mes recherches au grand public, et particulièrement aux jeunes générations. En 2022, les recherche interdisciplinaires menées par plusieurs laboratoires du CNRS sur le forum antique de Bavay, avec le soutien de la région Hauts-de-France dans le cadre du programme STIMulE, ont été mises en valeur sous la forme d’un film documentaire1 . Engagé dans la création d’expositions, j’ai eu l’occasion de travailler avec plusieurs partenaires régionaux comme Arkeos2 , le Forum antique de Bavay ou encore le Musée de la Chartreuse de Valenciennes. Aussi, au sein d’HALMA, nous accueillons chaque année des élèves de primaire, de collège et de lycée afin de leur présenter nos activités de recherche à travers plusieurs ateliers ludiques... une belle occasion de faire briller les yeux des plus jeunes !
Mini biographie
1997 : Maîtrise en sciences naturelles à la Faculté des Sciences de Tunis
2002 : Doctorat en archéozoologie au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris, avec une thèse sur les pratiques alimentaires à Lutèce durant la période romaine
2003 : Recruté au CNRS en tant que chargé de recherche, spécialisé dans l’étude des interactions entre l’homme et l’animal à travers les vestiges archéologiques
2004 : Marié avec Salima et naissance de notre fils Ilyes
2024 : Accomplissement de mon premier Ironman (226 km) en 11h48 après deux années de préparation intensive