Portrait de Science | 3 Questions à Mémona El Bekri

Quel est votre parcours ?

J’ai toujours aimé « faire parler les chiffres » et travailler en équipe. Après deux années de licence Maths-Info appliquées aux Sciences Humaines et Sociales à l’Université Grenoble Alpes, j’ai intégré l’INSA Rouen Normandie pour un cursus en mathématiques appliquées et data science, dont je suis diplômée depuis 2020. Mon stage de fin d’études dans une ESN1  à Paris m’a fait découvrir le métier d’ingénieure d’affaires : un rôle à l’interface entre technique et relationnel, exactement ce qui me motive. J’ai donc poursuivi en alternance un Master 2 marketing-vente, parcours ingénieur d’affaires, au sein de la même équipe commerciale. Pendant plusieurs années, j’ai accompagné un portefeuille de clients très varié (retail, énergie, défense), en récoltant leurs besoins techniques et en construisant, avec les équipes adéquates, des réponses adaptées à leurs enjeux de transformation numérique. 

Ce goût du collectif et de la coordination m’a menée en janvier 2024 au CNRS, où j’exerce les fonctions d’ingénieure transfert au sein de la Fédération de recherche Sciences & Cultures du Visuel à Tourcoing. J’y retrouve l’esprit d’interface, cette fois entre laboratoires de recherche et acteurs des industries culturelles et créatives (ICC).

Quel est votre principal sujet de recherche ?

Mon rôle est d’écouter, traduire et relier. En effet, je fais preuve d’écoute : j’échange avec les équipes scientifiques et les acteurs de la filière des ICC (entreprises, musées et institutions patrimoniales, associations, studios, artistes) pour identifier leurs besoins réels (R&D, expertise scientifique, prototypage, accès à des équipements) et leurs contraintes de calendrier, d’usages et de publics. Je traduis : forte d’une formation technique, je comprends les sujets pointus sans prétendre à l’exhaustivité, puis je les rends lisibles pour des interlocuteurs non experts, en alignant les visions lorsque les vocabulaires diffèrent. Enfin, je relie : je mets en contact les équipes pertinentes des trois laboratoires de la Fédération2  et les mobilise autour de leurs expertises (restitution numérique, infographie 3D, Unity/Unreal, vision par ordinateur et IA, traitement du signal, pilotage de gros équipements) afin de bâtir des collaborations efficaces et durables.

Après un premier rendez-vous entre l’organisation demandeuse et l’équipe scientifique pressentie, et si l’intérêt est confirmé, je cadre la suite avec le Service Partenariat & Valorisation de la Délégation Régionale du CNRS et, selon les tutelles impliquées, les services juridiques concernés. Mon suivi se poursuit jusqu’à la signature puis tout au long de la collaboration : je reste le point d’appui identifié pour lever les incompréhensions, sécuriser les étapes et permettre à chacun de se concentrer sur son coeur de métier (expertise scientifique pour les chercheurs, objectifs R&D et stratégie pour l’organisation, clauses pour les juristes).

Je m’appuie aussi sur deux réseaux clés : les correspondants innovation « Shaker » dans chaque laboratoire pour trouver d’abord des solutions locales, puis, si besoin, le réseau national des ingénieur·e·s transfert afin d’identifier ailleurs l’expertise complémentaire.

Que rôle le site EuraCréative joue-t-il dans votre quotidien ? 

Le positionnement d’EuraCréative est singulier : sortir une partie de la recherche de ses murs pour la placer, au quotidien, au contact d’un pôle d’innovation dédié aux ICC. La FR SCV étant au sein d’EuraCréative (ex-Plaine Images), nous partageons des espaces, des programmes et des services avec l’écosystème : incubation, accompagnement au financement (y compris européens), événements, communication… Très concrètement, EuraCréative accélère les rencontres utiles : une simple discussion autour d’un déjeuner entre un porteur de start-up et une équipe de recherche peut déjà devenir le point de départ d’un projet. La structure fluidifie aussi l’accès aux compétences et aux équipements, qu’il s’agisse de plateformes technologiques, d’ingénierie dédiée ou encore de prêts et locations d’équipements dans un cadre sécurisé. La structuration d’EuraCréative et la présence de « facilitateurs·rices » favorise grandement une interdisciplinarité durable : la rencontre entre un historien et un mathématicien a par exemple conduit au dépôt d’un projet commun visant à développer un jeu vidéo mêlant ressources historiques et modélisation mathématique. 

Enfin, EuraCréative joue un rôle de sensibilisation réciproque : les projets incubés découvrent le monde de la recherche tandis que les chercheurs de la FR SCV se familiarisent avec l’entrepreneuriat, la deeptech et les réalités concrètes d’un studio ou d’un musée. EuraCréative agit comme un amplificateur : en rapprochant besoins concrets, expertise scientifique et ingénierie, on transforme plus vite des intuitions en prototypes, puis en collaborations robustes et utiles tant pour la filière que pour la recherche.

• 1ESN - Entreprise de services du numérique
• 2La FR-SCV rassemble le Centre de Recherche en Informatique, Signal et Automatique de Lille (CRIStAL – ULille/CNRS/CLI), l’Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHiS – ULille/CNRS) et Sciences Cognitives et Sciences Affectives (SCALab – CNRS/ULille)