Portrait de Science | 3 Questions à Marie Boichu

Portrait de Science Atmosphère, Sciences de l'Univers

Marie Boichu est Chargée de recherche au Laboratoire d’Optique Atmosphérique (LOA1 ).

  • 1LOA - CNRS/ULille

Quel est votre parcours ?

Avec l'envie de mieux comprendre les phénomènes terrestres, notamment les processus volcaniques, j'ai suivi un cursus en physique fondamentale avant de me spécialiser en géophysique, et plus particulièrement en volcanologie à l’interface avec les sciences de l’atmosphère. Ainsi, j'ai débuté une thèse à l’Institut de Physique du Globe de Paris visant à mieux comprendre le dégazage volcanique – le rejet des gaz issus de poches de magma souterraines - de la Soufrière de Guadeloupe, et les processus magmatiques qui lui sont associés. J'ai ensuite rejoint l'Université de Cambridge, où j'ai participé à l’acquisition, au développement et à l’analyse de mesures de télédétection au sol des gaz volcaniques par spectroscopie. Au cours d'une expédition sur le volcan Merapi en Indonésie, j’ai pris conscience de la défaillance de ces mesures au sol pour le suivi d’une éruption explosive associée à d’intenses émissions de cendres. Pour surmonter ces limites, j’ai réalisé l’importance d’analyser conjointement des observations à distance, depuis le sol mais également depuis l’espace.

Au cours d’un postdoctorat au Laboratoire de Météorologie Dynamique à l’Ecole Polytechnique j’ai acquis des compétences en modélisation atmosphérique pour exploiter au mieux les observations satellitaires et améliorer les simulations des impacts atmosphériques des émissions volcaniques... Depuis 2014, j'exerce maintenant en qualité de chargée de recherche au Laboratoire d'Optique Atmosphérique (LOA), bénéficiant d’instruments de pointe et d’une expertise reconnue en télédétection.

Quel est votre principal sujet de recherche ?

Mes recherches se situent à l'interface entre la volcanologie et les sciences de l'atmosphère : j'étudie les gaz et particules volcaniques ainsi que les processus à l’œuvre depuis le réservoir magmatique en profondeur jusqu'à leur rejet en surface et leurs impacts variés sur l’atmosphère. L’observation des panaches volcaniques est cruciale pour comprendre l’évolution de l’activité d’un volcan, en amont et pendant une éruption afin d’évaluer l’intensité de l’éruption et tenter d’estimer sa durée, d’estimer les volumes de magma en jeu, etc. Les panaches volcaniques sont en réalité un cocktail complexe, constitué de multiples gaz toxiques, de cendres volcaniques, mais aussi de particules qui se forment à partir de gaz, comme les aérosols sulfatés. Ces-derniers ont des conséquences directes sur l'atmosphère, notamment la qualité de l'air mais également le climat.

Mes recherches se sont beaucoup diversifiées depuis mes débuts. J’ai effectué des missions sur de nombreux volcans actifs de la planète (Amérique du Sud, Indonésie, Antarctique...), afin de récolter des observations et affiner leur exploitation. Puis j’ai développé de nouvelles méthodes d’analyse des mesures à distance, à l’aide de la modélisation atmosphérique notamment. Au LOA, en collaboration avec les pôles nationaux AERIS/ICARE et FORMATER1  ainsi que les infrastructures de recherche DATA TERRA et ACTRIS, nous avons récemment développé des plateformes pour soutenir, en temps réel, la surveillance volcanique et la compréhension des aléas atmosphériques depuis l’espace. Maintenant, je tiens à mentionner qu’il s’agit d’un travail en équipe, du déploiement d’instruments aux quatre coins du monde, avec l’aide de mes collègues, jusque l’analyse poussée des observations de télédétection depuis l’espace ou le sol. La compréhension de l’activité volcanique et de ses impacts sur l’atmosphère nécessite donc un véritable travail collectif, alors même que nous manquons de plus en plus de personnel qualifié pour travailler sur les équipements numériques ou instrumentaux, et qu’il est très difficile de garder parmi nous les plus jeunes que nous avons formés.

© Marie Boichu
© Marie Boichu

Quels impacts sociétaux peuvent connaitre vos recherches ?

Je considère mon métier comme celui d’un « docteur » de la Terre : j’analyse les aléas volcaniques pour contribuer à une compréhension plus fine de ces phénomènes naturels, ce qui peut aider, par conséquent, à mieux évaluer les risques qui leur sont associés. Ce n’est que récemment que la communauté scientifique s’est intéressée à l’impact sur l’atmosphère du dégazage des volcans, en éruption ou non. A court-terme, l’étude des panaches volcaniques nous permet de mieux évaluer les aléas volcaniques locaux mais également leur impact à plus grande échelle sur le trafic aérien et la qualité de l’air. A plus long terme, c’est leur effet sur leur climat qui pose question. Et mes recherches ne se limitent dorénavant plus qu’aux volcans : les méthodes que nous avons développées peuvent aussi servir à l’analyse des mégafeux...!

  • 1Pôle de données et de services pour la Terre Solide

Mini biographie

2006 : Obtention d’un doctorat en Géophysique - Institut de Physique du Globe de Paris
2007-11 : Post-doctorat (Marie Curie Fellow puis Associée de Recherche) - Université de Cambridge
2011-13 : Post-doctorat au Laboratoire de Météorologie Dynamique - Ecole Polytechnique
2014-15 : Jeune Chercheuse responsable de projet financée par la Région Nord Pas-de-Calais au Laboratoire d’Optique Atmosphérique - Université de Lille
2015 : Entrée au CNRS en tant que chargée de recherche au Laboratoire d’Optique Atmosphérique
2016-2020 : Projet ANR « Jeune Chercheur » VOLCPLUME
2022-ajdh : Projet Horizon Europe FAIR EASE, pilote « Volcano Space Observatory »

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