Portrait de Science | 3 Questions à Marco Miniaci

Quel est votre parcours ?

Mon parcours professionnel s’est construit au fil de mobilités, véritables catalyseurs de mon évolution en tant que chercheur ! Tout a commencé avec un master en ingénierie civile à l'Alma Mater Studiorum de l'Université de Bologne, suivi d’un doctorat portant sur l'étude de la propagation d’ondes dans les cristaux phononiques et les métamatériaux. Cependant, des difficultés de financement de la troisième année ont mis en péril la poursuite de ma thèse. Plutôt que de baisser les bras, j'ai décidé de chercher d'autres opportunités, notamment en soumettant un projet de mobilité internationale vers l’« Institut des machines à écoulement des fluides » de Gdańsk, en Pologne... un pari audacieux mais fructueux puisque le projet fut financé ! Cette expérience m’a ouvert à des nouvelles façons de penser, de collaborer, et d’aborder la recherche scientifique. J’ai pris conscience de l’importance de réussir à attirer ses propres financements pour pouvoir mener des recherches ambitieuses sur les thématiques qui me passionnaient le plus. 

Marqué par cet évènement, j’ai continué à voyager grâce à plusieurs post-doctorats (Turin, Atlanta) et deux bourses « Actions Marie Sklodowska-Curie » (Le Havre, Dübendorf), qui ont enrichi mes recherches et élargi mes horizons. En 2020, j'ai finalement rejoint le CNRS à l’IEMN, un laboratoire reconnu pour ses équipements de pointe en micro et nanotechnologies, parfaitement adaptés à mes travaux. Enfin, depuis 2023, je suis directeur du GDR ARCHI-META qui a pour but de faire naître une nouvelle communauté de mécaniciens et d'acousticiens autour des « métamatériaux architecturés ».

Vous êtes lauréat d'une bourse "ERC Starting Grant" pour le projet POSEIDON. En quoi consiste ce projet ?

Spécialiste de la propagation des ondes élastiques en milieux périodiques, je me suis progressivement orienté vers l’univers des métamatériaux : des matériaux ingénieusement structurés pour exhiber des propriétés physiques inédites, souvent inaccessibles avec les matériaux classiques. Mes recherches m’ont mené à l'obtention de la bourse « ERC Starting Grant » en 2022 pour le projet POSEIDON, qui part d'un constat simple mais alarmant : l’intensification des activités humaines en milieu maritime est à l'origine d’une augmentation préoccupante du bruit dans les océans. A ce jour, aucune solution efficace ne permet d’atténuer ces ondes acoustiques sur de larges bandes de fréquences, en particulier dans les basses fréquences - par exemple émises par des éoliennes en mer. J'ambitionne donc de concevoir une nouvelle génération de solutions bio-inspirées, capables de réfléchir et d’absorber les ondes acoustiques grâce à des structures dont l’épaisseur est bien inférieure à celle des technologies actuelles — ce que l’on appelle des structures efficaces en régime sub-longueur d’onde profond.

Le projet POSEIDON s’inscrit pleinement dans les objectifs de l’Union Européenne, qui veut se placer comme une pionnière de la réglementation des niveaux d’exposition sonores pour la faune sous-marine. Il s'agit aussi d'un projet interdisciplinaire, aussi bien académique qu'industriel, et qui prévoit des collaborations avec des partenaires en Italie, Espagne ou au Royaume-Uni.

Quelle est votre implication dans d'autres projets internationaux ?

Je suis actuellement encadrant de deux doctorants dans le cadre du projet « MSCA Doctoral Network » MetacMed et coordinateur du projet « Horizon Europe » MAGNIFIC. Le trait d’union de ces deux autres projets et de POSEIDON restent les métamatériaux et la propagation d’ondes, mais étudiés à partir de fréquences différentes et visant des applications différentes. 

Le projet MetacMed fédère les compétences de huit laboratoires européens autour d’un objectif ambitieux : explorer les applications des métamatériaux dans les domaines de la santé et de la récupération d’énergie. MAGNIFIC, quant à lui, rassemble sept partenaires pour étudier les propriétés uniques du silicium nanocristallin, en vue de développer de nouveaux dispositifs à haute performance et faible consommation pour les télécommunications 5G et satellitaires. Pour MAGNIFIC, j’assure la coordination globale du projet, en veillant notamment à la soumission de l’ensemble des livrables dans les délais impartis. Une mission qui mobilise des compétences transversales — gestion de projet, communication, anticipation — parfois un peu en marge du coeur de métier du chercheur, mais tout aussi essentielles à la bonne réussite d’un projet. Coordonner simultanément plusieurs projets internationaux est pour moi une véritable source de motivation : j’évolue dans un écosystème scientifique riche et pluridisciplinaire, en interaction constante avec des collègues venus d’horizons variés. 

Ce mode de travailler agit à la fois comme une force centrifuge, qui m’entraîne hors de ma zone de confort, et centripète, qui recentre mon énergie autour d’objectifs partagés ; il me pousse à me dépasser, tout en m’apportant cette précieuse dose d’adrénaline qui rend chaque journée passionnante et unique !