Comprendre Alzheimer : des petits anticorps prometteurs

Résultats scientifiques Santé

Dans la maladie d’Alzheimer, la protéine tau défectueuse, s’accumule dans les cellules nerveuses et provoque leur mort. Mais, à la manière des prions, ces protéines tau sont également capables de se propager d’une cellule à l’autre. Dans un article publié dans Nature Communications, des scientifiques de Biologie structurale intégrative (BSI - CNRS/Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille) et Lille Neuroscience & cognition (LilNcog - Inserm/Université de Lille) rapportent comment de petits anticorps anti-tau, appelés des nanocorps, peuvent bloquer l’internalisation de la protéine neuronale tau par les cellules. Cette découverte a des implications pour le développement futur de biothérapies.

Les maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, se caractérisent par l'accumulation anormale de certains variants protéiques dans le cerveau. Ces protéines s'agglutinent à l'intérieur des neurones, perturbant leur fonctionnement, et se propagent dans les neurones voisins. 

L’impact de la protéine Tau dans la maladie d’Alzheimer

Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, c’est la protéine tau qui pose problème. Elle joue normalement un rôle important dans le squelette interne des cellules. Mais chez les personnes atteintes, cette protéine change de forme et s’agglutine dans les neurones. Cette forme pathologique, qu’elle soit monomérique ou fibrillaire, est également secrétée et captée par les neurones connectés. Ces variants de tau pourraient avoir des propriétés similaires à celles des prions, des protéines défectueuses qui imposent un changement pathologique aux protéines normales. Ces propriétés de type prion de tau sont associées à une propagation de cellule en cellule dans le cerveau, et à un dysfonctionnement des réseaux neuronaux qui conduit aux troubles de la mémoire et du raisonnement observés dans la maladie d’Alzheimer. 

Les nanocorps anti-tau, une nouvelle piste thérapeutique

Dans un article publié dans la revue Nature Communications, des scientifiques ont analysé une série de nanocorps anti-tau. Les nanocorps sont de petits anticorps artificiels, issus d’anticorps particuliers de camélidés. Ils se lient à différentes régions de la protéine tau avec des niveaux d’efficacité variés. Le but est de bloquer l'internalisation neuronale des formes monomériques et fibrillaires (pathologiques) de tau, une étape critique dans le mécanisme de propagation de type prion de tau. Ce criblage a permis d'identifier les nanocorps appelés A31, Z70 et H3-2 comme étant les inhibiteurs les plus puissants de l'internalisation cellulaire de la protéine tau monomérique dans les cultures de cellules neuronales de souris. 

Ces nanocorps peuvent entrer en compétition avec la liaison entre tau et un domaine du récepteur membranaire LRP1. Le récepteur LRP1 (pour Lipoprotein Receptor-related Protein1) est une protéine transmembranaire qui joue un rôle clé dans l’endocytose et le transport de diverses protéines dans la cellule. Ces résultats confirment le rôle majeur de ce récepteur dans le processus d'internalisation de tau monomérique. Il est intéressant de noter que le nanocorps H3-2, qui lie l’extrémité carboxy-terminale de la protéine tau, est le meilleur inhibiteur de l’internalisation de tau, à la fois sous forme monomérique et fibrillaire, et le concurrent le plus puissant pour la liaison à LRP1. La capacité d’inhibition de l’internalisation des fibrilles de tau par le nanocorps H3-2 provient de sa capacité additionnelle à limiter l’interaction de tau avec des glycoprotéines présentes à la surface des cellules, les héparanes sulfates protéoglycanes (HSPGs). Ces résultats confirment que les voies d’internalisation de la protéine tau normale et fibrillaire dans les cellules neuronales sont bien distinctes. 

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Référence : Inhibition of tau neuronal internalization using anti-tau single domain antibodies. Clément Danis, Elian Dupré, Thomas Bouillet, Marine Denéchaud, Camille Lefebvre, Marine Nguyen, Justine Mortelecque, François-Xavier Cantrelle, Jean-Christophe Rain, Xavier Hanoulle, Morvane Colin, Luc Buée & Isabelle Landrieu.
Nature Communications, 2 avril 2025, DOI : https://doi-org/10.1038/s41467-025-58383-4

Contact

Isabelle Landrieu
Directrice de Recherche CNRS
Luc Buée
Directeur de Recherche CNRS