Portrait de Science | 3 Questions à Marie Monniaux

Portrait de Science Environnement

Marie Monniaux est chargée de recherche au sein de l'unité Evolution, Ecologie et Paléontologie (Evo-Eco-Paléo1 ). 

  • 1Evo-Eco-Paléo - ULille/CNRS

Quel est votre parcours ?

J'ai toujours été fascinée par les sciences, et plus particulièrement par la biologie. Après une classe préparatoire scientifique, j'ai intégré l'École Normale Supérieure (ENS) de Lyon, où j’ai particulièrement été captivée par mes cours de biologie du développement et d’évolution. Ces études m'ont aussi donné l'opportunité d'effectuer plusieurs stages en laboratoire... et une fois que l’on pose un pied dans la recherche, il est difficile d'en sortir ! C'est donc tout naturellement que j'ai poursuivi une thèse au Laboratoire Physiologie Cellulaire & Végétale1  (LPCV) de Grenoble, où j'ai étudié le fonctionnement et l’évolution de la protéine LEAFY, un régulateur majeur de la floraison chez les plantes. Par la suite, j'ai réalisé un post-doctorat à Cologne, axé sur la variation du nombre de pétales chez la Cardamine, puis j'ai rejoint le CNRS en qualité de chargée de recherche au Laboratoire Reproduction et Développement des Plantes2  (RDP) à Lyon. J'y ai développé un nouveau sujet de recherche en m'intéressant aux pétales du pétunia qui forment une structure tubulaire s’ouvrant par des lobes colorés, dont le développement dépend de réseaux génétiques très différents. Enfin, soutenue par la Région Hauts-de-France et CNRS Ecologie & Environnement, j'ai intégré en 2024 l'unité de recherche Évolution, Écologie et Paléontologie (Evo-Eco-Paléo) de Villeneuve-d'Ascq.

Quel est votre principal sujet de recherche ?

Depuis mes débuts, j'étudie le développement et l’évolution des fleurs sous des angles très variés. Aujourd’hui, au sein de Evo-Eco-Paléo, je me consacre à l’évolution des mécanismes moléculaires qui régissent l’auto-incompatibilité chez les plantes. Bien que la plupart des plantes à fleurs soient hermaphrodites, et pourraient donc se reproduire seules, environ la moitié d’entre elles ont développé des mécanismes empêchant l’auto-fécondation. Ces mécanismes, regroupés sous le terme d’ « auto-incompatibilité », empêchent un pistil d’être fécondé par un pollen de la même plante, ou génétiquement proche. Même si ce phénomène est répandu dans le règne végétal, ses mécanismes moléculaires varient selon les familles de plantes. Je travaille sur des plantes de la famille des Brassicacées (colza, moutarde, choux...), où chaque individu exprime une combinaison spécifique de récepteur et de ligand leur permettant de reconnaître leur propre pollen. On dénombre une soixantaine de ces combinaisons et mon objectif est de retracer l’origine évolutive de ces combinaisons pour comprendre comment s’est créée la diversité de spécificités actuelles. J’ai rejoint ce projet qui était déjà en cours au laboratoire, et j’ai lancé un nouveau projet de recherche sur l’auto-incompatibilité chez le pétunia, qui a un système de reconnaissance du pollen totalement différent. 

Rejoindre l’unité Evo-Eco-Paléo a marqué un tournant dans ma carrière. Je viens d’une communauté qui fait de la génétique fonctionnelle des plantes, et je me suis engagée dans un laboratoire davantage axé sur la génétique des populations et l’évolution. C’est un changement d'environnement stimulant qui me permet de me placer à l'interface de deux mondes !

Tableau de cardamines blanches
« Ce tableau, qui a été peint par mon arrière grand-mère, représente des Cardamines en fleurs, espèce sur
laquelle j’ai travaillé pendant mon post-doc. Artiste ou scientifique, tout le monde est sensible à la beauté des
fleurs, même si je les vois maintenant plutôt comme une somme de gènes et de cellules ! » @ Marie Monniaux

Quels engagements au sein de la communauté scientifique vous tiennent à cœur ?

J’ai toujours apprécié prendre part à des actions de médiation scientifique qui me permettent de rendre mes travaux accessibles au plus grand nombre. Récemment, j’ai eu l’opportunité de créer une « conférence immersive », dans le cadre des « Echappées Inattendues du CNRS » organisées par la Délégation Rhône-Alpes du CNRS. J’ai été énormément aidée par l’artiste Alex Andrix et par la délégation, pour imaginer une plongée sensorielle au cœur de nos recherches grâce à une projection sur le dôme d’un planétarium. Les spectateurs étaient ainsi invités à se promener le long d’un pétale de pétunia pour comprendre comment une fleur parvient à produire sa couleur ou son iridescence. Je garde un souvenir très fort de ce projet qui a représenté un véritable défi, tant technique que créatif, mais qui m’a donné l’occasion d’explorer de nouvelles manières de raconter mes recherches !

Correspondante égalité dans mon précédent laboratoire, je poursuis également ce rôle au sein d’Evo-Eco-Paléo. L’environnement de la recherche subit un sexisme structural, c’est-à-dire que l’investissement nécessaire à une carrière de recherche « réussie » (temps consacré, mobilité) est difficilement compatible avec les attentes sociétales pour les femmes (notamment en ce qui concerne la parentalité), et car nous manquons de modèles féminins à des hauts niveaux de direction. Le monde de la recherche aurait tout à gagner à être plus inclusif, et cela bénéficierait à des minorités bien plus durement touchées que les femmes. Heureusement, les personnes travaillant dans le monde de la recherche sont généralement progressistes, ouvertes d’esprit et sensibles aux questions d’inclusivité, et je trouve que les choses progressent vers un objectif pérenne : construire un environnement plus épanouissant pour tout le monde.

  • 1LPCV 5168 - CEA/CNRS/Univ. Grenoble Alpes
  • 2RDP UMR 5667 - Univ. Lyon/CNRS/INRAE/INRIA

Mini biographie

2013 : Obtention d'un doctorat en biologie végétale au Laboratoire Physiologie Cellulaire & Végétale (Grenoble)
2013-17 : Post-doctorat au Max Planck Institute for Plant Breeding Research (Cologne)
2017 : Entrée au CNRS en qualité de chargée de recherche au Laboratoire Reproduction et Développement des Plantes (Lyon)
2023 : Obtention de l'Habilitation à Diriger des Recherches (HDR)
2024 : Entrée au laboratoire Evolution, Ecologie et Paléontologie (Villeneuve d'Ascq)

Contact

Marie Monniaux
Directrice de recherche